Le petit bonhomme de neige

Le beau temps d’hiver persiste.

Ça me revient…

L’ennui me gagne devant la télévision, chaque année le même programme aux vacances de Noël. De vieux films en technicolor des années cinquante s’enchaînent, saupoudrés de flocons synthétiques, égrenant les orphelins de tous contes. Il n’y a plus rien à faire, le sapin perd déjà ses aiguilles et les cadeaux leur engouement. Le nez contre la vitre d’une fenêtre du salon mon frère s’écrie : « De la neige ! » Elle se fait rare par chez nous. Les yeux rivés sur le tube cathodique : « C’est une blague ? » « Mais non, viens voir ! » Le ton est sincère, je me précipite. « C’est de la neige fondue, elle n’tiendra pas ! » Je quitte la clarté pour retourner à la pénombre télévisuelle noire et blanche. Mon aîné reste scotché à la buée sur le carreau. « Elle tient, elle tient ! » hurle-t-il en dansant dans le salon. Le spectacle est plus extraordinaire que la neige du soir à la télé. La féérie de l’hiver nous aveugle de tous son blanc tandis que le ciel gris comme une ardoise livre ses éclats de glace par millier.

Nous nous précipitons sur nos bonnets, écharpes, gants ; chaussons nos bottes de pluie ; enfilons nos anoraks. Nos cris nous précèdent dans le silence ouaté. Le pas craque sur le tapissons de neige. Les premières boules naissent entre nos doigts gelés, atterrissent sur nos vêtements, coulent dans nos chaussettes. C’est la fête ! « Et si on faisait un bonhomme de neige ! » s’accorde-t-on, le sourire au bord de nos lèvres gercées. Nous roulons une boule gourmande qui laisse la pelouse à nue. Puis une autre, plus maigre avec un peu de terre. Notre bonhomme a grise mine, des allures de nain de jardin avec seulement ses deux étages. Ce ne sera qu’un enfant de neige. Deux cailloux bruns pour les yeux ; il nous fixe, prend vie. Comme il nous est interdit de jouer avec la nourriture, nous nous passons de la traditionnelle carotte pour le nez. Et les pour les habits ? Aucun, je recycle ceux de mon frère, il restera nu comme un sorbet. La nuit tombe vite. Notre mère nous rappelle et nous l’abandonnons au gel.

Puis, la rentrée des classes, le soleil brille dès le petit matin, il n’a plus personne pour jouer avec lui. Il est amoindri, rabougri au milieu du gazon jauni. Le soir, je reviens de l’école, il n’est plus là. Il a fondu en larmes.

 

VoeuxBonhommeDeNeigeVintage
Bonne année à tous !

36 réflexions sur « Le petit bonhomme de neige »

  1. Bonjour pas de neige chez nous, il y en a parfois, elle ne dure pas longtemps mais quel plaisir! je me souviens d’un hiver , où j’étais enfant à Paris , il a neigé que de batailles de boules et faire un bonhomme tenait de l’exploit car il y avait peu de neige, mais quel plaisir! bon après-midi Amitiés MTH

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  2. Que de souvenirs !
    Et l’émerveillement pour la neige est toujours aussi vif pour les enfants d’aujourd’hui surtout si elle rare et leur bonhomme aussi bancal que ceux que nous faisions. C’est toute la magie de la neige, elle reste intemporelle ! 🙂

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  3. Un beau souvenir d’enfance… Il y a peu de neige de nos jours pour réaliser de beaux bonshommes bien dodus dans le jardin et de belles glissades sur le sol gelé. Les enfants ont d’autres plaisirs, moins sains pour la plupart…

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  4. Il neigeait quand j’étais enfant à l’autre bout du département mais maintenant c’est terminé, je ne vois pratiquement plus de neige près des côtes picardes.
    Pas de carotte non plus pour le nez, pas question de jouer avec la nourriture et même encore maintenant je ne laisse pas un morceau de pain sur le bord de mon assiette.
    Les bonne manières perdurent.
    Bonne semaine.

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  5. Cela remonte à l’enfance ce souvenir de bonhomme de neige. Aujourd’hui la neige disparaît un peu partout surtout en France. J’ai quelques photos à Bruxelles des étangs gelés d’Ixelles et la neige qui recouvrait la capitale. Il y a de cela 9 ans. Pour son anniversaire une fête avait été organisée et les guirlandes se balançaient au dessus de nos têtes. Tout était bloqué et les amis ne sont pas venus, partie reportée. Aujourd’hui à La Cluzas, les skieurs glissent sur l’herbe.

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  6. C’est vrai que tes textes (trop rares) sentent le vécu comme aucun autre récit. Allez je me lance: c’est du Jack London!
    Il y a des détails qui ne trompent pas sur l’authenticité de ta prose comme, par exemple l’allusion à la grosse ‘boule’ de neige qui laisse la pelouse à nu et porte des traces de terre. Je me répète: c’est du vécu!
    Amicales salutations et tous mes voeux pour 2020… avant que l’été ne se pointe. Il faut préciser que je vis depuis 25 ans en Andalousie. Alors ici la neige…

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  7. et à la fin comme l’écrivait Prévert dans son poeme, il ne restera qu’une flaque d’eau !
    quelle tristesse, mais le bonheur d’abord de le faire ce bonhomme de neige, malgré les doigts tout gelés dans des gants tout mouillés … ce plaisir devient rare pour les enfants, puisqu’il y a de moins en moins de neige ces dernières années !
    j’ai de jolis souvenirs d’enfance d’agreables parties de luge avec ma soeur devant la maison familiale !
    bon mois de février ! bises depuis l’alsace !

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    1. Merci. C’est vrai, cet hiver est particulièrement doux. En tout cas pour la France. Un peu de neige juste pour faire un mini bonhomme et une bataille de boules de neiges, le temps de quelques jour rien que pour le plaisir. Et puis voir le soleil briller sur le blanc tapis. Peut être pour février ! Bises à bientôt.

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  8. ça me rappelle la première fois où j’ai vu la neige, en CP dans la cour de récréation de mon école primaire !! … j’étais très étonné que la neige « brûle » les doigts, « pourquoi un élément froid brûle ?? »

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