Les carrés de tissus à motifs imprimés faits maison fleurissent sur les visages.
Ça me revient…
Samedi après-midi, j’accompagne ma mère dans le dédale encombré du marché. C’est le printemps, le soleil est heureux. Les clientes, circulent, s’arrêtent, hésitent, puis repartent. J’arpente les allées des quincailliers, des merciers et autres camelots. Les marchands louent la qualité de leurs produits à bord de leur long camion déplié en boutique. Ma mère, avec son « Femme d’aujourd’hui » en tête, ignore les robes et les jupes d’été manufacturées suspendues aux portants qui froufroutent au gré du vent. Elle tâte, froisse les tissus au mètre. « Il est fleuri celui-ci ! Qu’est-ce que tu en penses ? » J’en pense que c’est à peu près le même que l’année dernière, des petites fleurs en pagailles sur un fond acidulé. Elle place sur son buste une partie de l’étoffe et s’admire dans le miroir que lui tend le vendeur. « Il vous correspond tout à fait Madame ! » Elle me regarde : » Alors ? » Je lui souris, pour lui faire plaisir. Elle indique le métrage, le tissu craque sous un coup de paire de ciseaux. Nous repartons, elle est satisfaite.
Au cœur de l’après-midi, ma mère s’attelle à son ouvrage, elle reproduit sur du papier le patron qui était replié au cœur de son journal favori. Elle déroule son tissu sur la table de la salle à manger, y épingle ses pièces de papier. Avec sa craie de tailleur, elle trace les contours de son puzzle. Le moment tant attendu pour moi arrive. « Sort la machine à coudre ! » Elle est cachée dans son meuble en bois de style art déco, aussi encombrant qu’une machine à laver. Je retourne le tablier. La machine gracile habillée de noir et frappée du sigle SINGER en lettres d’or apparaît. Son volant, d’acier est froid, mais doux, lisse, agréable. Dessous, le pédalier à bascule et sa bielle s’impatientent, j’ajuste la courroie en cuir qui entraîne le volant. Ma mère monte l’imposante aiguille. Je récupère les tickets de caisse au fond de son panier de course en osier. Je m’installe, l’aiguille n’est pas encore enfilée. J’abaisse sur le papier le pied de biche, je me courbe sur la machine, pose mes pieds sur plateau à bascule en fonte et à la manière d’un coureur cycliste je pédale. Les griffes d’entraînements aiguisées comme des dents de crocodiles s’agitent, je guide mon ticket, la piqûre en pointillé forme, avec de la réussite, un bonhomme stylisé façon pain d’épice. Sous mes doigts, la déchirure suit les points. « T’as rempli la cannette ? » Je prends une cannette vide, enfile le fil en coton de la bobine et l’enchâsse dans son emplacement. Je bascule la petite mécanique. Sa roulette en caoutchouc se colle sur le volant. Je pédale à nouveau, la roue crantée ornée d’un cœur en relief en métal guide le bras d’un mouvement uniforme de va-et-vient pour garnir la cannette.
Il est temps de laisser ma place. Ma mère emboîte la petite bobine fraîchement recouverte au sein de la navette et referme la trappe. Le fil du dessus circule le long d’un levier, d’une spirale métallique, et termine sa course dans le chas de l’aiguille. La couturière du moment commence son assemblage, elle terminera sa robe d’été très tard à la lueur blafarde du néon de la cuisine.



J’ai utilisé maladroitement ce genre de machine quand j’étais gamine. Je me souviens avoir fait un sac pour pince à linges pour ma tante 😉
Ce n’était pas génial ce que je faisais mais je me suis amusée pendant des heures à faire balancer la pédale de ce type de machine. C’est quand même plus facile maintenant et j’arrive parfois à faire des choses plus correctes 😀
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Exact ! Il fallait avoir fait l’école ménagère pour savoir s’en servir …
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Ma grand – mère en avait une , elle » raccommodait » mes pantalons et autres vêtements , avec , quand j’étais gamin !
( je ne sais pas ce qu’elle est devenue )
F.
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Elle est peut-être devenue un objet de décoration.
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Objet de décoration , c’est possible , mais je pense plutôt qu’une de ses filles l’a vendue …
F.
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Que de souvenirs à vous lire, je crois entendre de nouveau le cliquetis de la pédale et de l’aiguille de celle de ma mère…
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Merci. Parfois, j’avoue que ce petit ronronnement mécanique me manque.
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C’est vraiment un très beau texte que tu as écrit, je me suis laissé transporter au fil de l’aiguille dans les rouges de la machine.
Quel engin tout de même quand on y pense ! Quelle mécanique, si précise, et si perfectionnée ! Ça devait coûter bien cher à l’époque déjà, surtout comparé aux maigres revenus de leurs acquéreurs. Mes grands mères en avaient une évidemment, elles ont fini en guéridon. La dure loi de l’obsolescence technologique à une époque où le problème de se vêtir, comme de se nourrir, se résout dans les rayons des supermarchés. 😕
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Merci. Une machine très perfectionnée et indépendante de la fée électricité. C’est vrai que c’était un sacré investissement. D’autant que si je me rappelle bien mes grand-mères et mes tantes en possédaient, impossible d’échapper à sa présence. Sa silhouette a disparu de nos intérieurs au profit des étiquettes « made in china ».
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Merci pour ce joli voyage.
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Ce fut un plaisir de vous l’offrir.
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Un souvenir cousu machine 😜!
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Merci.
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Beau souvenir, comme d’habitude avec toi !
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Merci. A bientôt.
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Quand on voit le schéma, la couture c’est de l’ingénierie !!
Ma mère avait une machine à coudre et un autre à tricoter. J’étais fasciné par la pédale de la machine à coudre !!
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Je me suis toujours demandé comment, elle s’y retrouvait. Car sur ce patron, il y a différents modèles et tailles. Astucieux…
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Il fallait décalquer chaque pièce sur du papier de soie, pas simple à faire
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comment fais-tu pour nous rappeler autant de détails !!! la singer mémé en avait une, et dans femme d’aujourd’hui on trouvait vraiment de tout !!! j’ai encore dans mes placards une petite singer miniature faite pour les enfants et qui coud au point de chaînette ! trop bien ce souvenir de couture, merci !
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Merci. Cette machine à coudre c’est magnifique de l’avoir encore.
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ouiiiiiiii un petit bijou ! j’adore !
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la robe d’été de 1972 est aussi jolie que ce souvenir …
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Avec le commentaire d’époque sur le patron :
Robe bain en coton fleuri, non coupée à la taille. Biais à l’encolure se nouant au dos. Coulisse élastique à la taille et Zip au dos.
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Merci Christophe pour ce si beau souvenir qui me rappelle de beaux moments en famille 🤗
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Merci à toi de ta visite.
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Bonjour.J ai la même machine à coudre à la campagne et elle marche super bien;J ‘adore la couture et là je crée des sacs qui ont du succés; trés beau ce texte;que de souvenirs en te lisant;merci;amitié
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Ma grand-mère avait une de ces machines… Bonne journée!
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Oui nous sommes nombreux à avoir vu cette machine dans notre enfance. Merci. Bonne soirée !
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joli souvenir (comme tous ceux que l’on retrouve ici) d’un joli partage ! merci Christophe
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Ah la machine de ma grande mère, un beau souvenir.
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Merci Sophie.
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J’aimerais bien voir et entendre et faire fonctionner une telle machine !!
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Pfff tu m’as fait faire un bon en arrière de plusieurs décennies.
Ma grand-mère ne jurais que par sa « Singer », d’ailleurs elle l’a ramenée avec elle au début du XXème siècle lorsque mon grand-père et elle ont fait le grand saut de l’Espagne vers la France (pour ne plus jamais en repartir).
Ils nous étaient formellement interdit d’y toucher et même de rêver d’y toucher 🙂
Cette machine infernale était installée dans ma chambre (comme la machine à coudre) et toute mon enfance et mon adolescence, je me suis laissée « bercée » par le bruit de la machine que ma grand-mère faisait bosser la nuit pendant que nous dormions (ou essayons de dormir ^^)
Merci pour ce joli moment
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