Un auto-radio à la maison

L’écran tactile de l’auto-radio illumine l’habitacle tandis que les phares de la voiture fendent la nuit.

Ça me revient…

Ce matin ma mère gronde, peste, enrage, elle ne pourra écouter ni la grande parade ni la valise RTL. « Mon transistor est mort ! » conclut-elle envahit par le désespoir. Mon frère et moi la regardons émus et impuissants. Mon aîné depuis quelque temps se passionne pour l’électronique, il s’est acheté un fer à souder et du fil. « T’inquiète Maman, je vais le réparer ! » Alors, il dépiaute le vieux poste que notre père s’était acheté durant son service en Algérie avec sa solde d’appelé. Une soudure par-ci, une résistance par-là récupérée de je ne sais où. Rien, rien ni fait ! L’engin reste insensible aux ondes qui le traversent et a, bel et bien, rendu l’âme. C’est le silence qui gagne la maison. Pas d’argent pour un autre poste, nous en sommes conscients. Ma mère retourne à ses tâches ménagères, muette et résignée. L’après-midi, elle part travailler. « J’ai une idée ! » crie mon frère avec toute la détermination qui l’habite. Il se rue vers le débarras et en ressort avec une caisse en carton. « Débarrasse la table ! » Je m’exécute. Il déballe un vieil auto-radio que notre oncle nous avait abandonné. « Va chercher ton transfo ! » Je cours jusqu’à ma chambre, fouille dans la boîte de mon train électrique et lui apporte le variateur. Entre-temps, il avait branché l’antenne (une pelote de fil de cuivre), relié le haut-parleur, avec son aimant à nu, au corps de la radio immobile qui avec ses deux gros boutons noirs en façade nous fixaient. Mon frère se saisit du transformateur, au lieu de ficher les polarités aux rails, il les fixe à l’aide de pinces crocodiles aux prises du poste. « Branche le transfo ! » Je positionne la marche avant. Rien… Il enfonce une touche dite PO (petites ondes). Le front sérieux et le ton grave : « augmente la puissance ! »  Je tourne le bouton comme pour accélérer le train. « Doucement ! » A mi-parcours, l’ampoule du poste s’illumine et le haut-parleur postillonne.  Je hurle : « Youpi, ça marche… » Il jure : « Stop ! » et ajuste la fréquence pour capter la station. Le curseur se fige sur Luxembourg. Le son reste brouillé, une sacrée friture. Mon frère déroule le fil de cuivre de la pelote. « Tiens et monte sur la table ! » J’attrape l’antenne. Debout sur la table le bras tendu, la réception est parfaite. Je ne m’imagine pas écouter la radio dans ces conditions. Mais, déjà à son sourire, je sais qu’il a la solution. Nous grimpons sur les chaises et transportons notre installation sur le dessus de l’armoire de la cuisine, à une vingtaine de centimètre du plafond. En fin de soirée, ma mère nous retrouve tout excités. Mon frère branche la prise.  Le haut du meuble diffuse le hit-parade RTL. Elle ne sait que dire, que croire, mais nous remercie avec un regard plein d’admiration.

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L’électronique d’un poste de l’époque (1970)
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Transformateur Jouef pour train électrique et pour notre auto-radio.
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L’ancienne radio devenue muette !
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A cœur ouvert !

41 réflexions sur « Un auto-radio à la maison »

  1. j’avais un oncle qui était féru de ces manipulations de fer à souder, diodes etc. Le matériel était le même. Cet oncle a fini chef de gare (c’est vrai). Comme quoi, entre radio et train électrique le courant passait chez les bricoleurs! 😉🚉

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  2. Je me suis revu il y a 50 ans ou plus! Merci Christophe pour tes textes toujours ‘porteurs’ pour ceux qui, comme moi, sont nés 2 jours après Pearl Harbour. Ceux qui connaissent l’histoire contemporaine pourront me situer sur l’échelle du temps.
    Salut l’ami de la nostalgie!

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    1. Merci pour tes lectures et tes commentaires. Heureux de partager ces instants anodins de ce qui fut notre quotidien. Sans comparaison avec tes expériences de vie trépidantes qui de plus mérite bien qu’une maison d’édition diffuse tes souvenirs.

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  3. L’auto-radio je l’ai connu, pas le même modèle mais le même style! La cerise sur le gâteau dans tes anciennes photos, c’est le tranfo Jouef pour train électrique, j’avais le même en gris et on réglait la vitesse avec le curseur noir en rond, incroyable! ツ

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  4. ton article me rappelle… quand j’étais petit je croyais qu’il y avait des gens dans le poste radio de mon père qu’il écoutait le matin… je voulais le démonter mais trop jeune je n’ai pas su comment m’y prendre…

    … en tous cas bravo à ton grand frère, votre maman a dû être fière et heureuse, en plus d’admirative !!

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