Une étrenne, une pièce !

Une pièce d’un franc traîne au fond de mon porte-monnaie.

Ça me revient…

Premier dimanche de janvier, je descends de la voiture. Maman se retourne et me chuchote : « tu n’oublies pas de souhaiter la bonne année ! » Pépé et Mémé, nous attendent sur le trottoir du perron, les savates percées coincées dans leurs sabots de cuir noir. Je n’ai qu’une hâte : aller casser la glace épaisse des flaques qui emplissent les nids de poule. À la va-vite, je les embrasse agrémenté d’un guilleret « Bonne année. Bonne santé. » Pépé pique, Mémé aussi. Ils me répondent avec leur accent patois : « boune annaille, boune santaille ! » Mémé me fixe avec ses yeux délavés qui ruissellent le long de ses rides profondes. « Dounnes ta main ! » Tout sourire, j’ouvre ma paume. Comme elle n’est pas bien riche, elle va me donner une crotte au chocolat noir fourré au sucre sortie de son ballotin que la mairie offre à ses plus vieux administrés. Elle fouille dans la poche rapiécée de son tablier, là où elle range son ancien mouchoir à carreaux. Ses doigts gourds déposent délicatement au creux de ma main une pièce brillante comme un soleil en plein hiver. Un étonné « Merci » s’en suit de ma part. Pas de crotte cette année, mais une merveilleuse pièce de 10 F en argent. Son métal précieux rutile, je reste bouche bée, j’observe le coté face : un Hercule. Cette monnaie me semble appartenir à un autre âge, mais elle valide. Je m’assis sur les marches en béton. Je la tourne et retourne entre mes petits doigts, elle est énorme. Elle se réchauffe. Je caresse ses motifs. J’inspecte la tranche avec ses ornements. « 10 F c’est beaucoup, mais jamais je ne m’en séparerai. Elle est trop belle ! » Première bonne résolution de l’année.  « Range ta pièce, s’énerve Pépé, et viens donc manger ! »

PS : Bonne année et bonne santé.

Pièce de 10 Francs argent – Hercule – face – avers