La mare - ça me revient

Moulin à eau et petit radeau.

La pluie inonde les caniveaux.

Ça me revient …

L’odeur du pot-au-feu parfume encore la cuisine enténébrée de ce dimanche de novembre. Pépé prépare la cafetière au coin du feu. « Mémé, j’peux quitter la table ? » Elle acquiesce. J’enfile mes bottes jaunes et mon K-way bleu marine. « Où qu’tu vas ? » « À la mare. » « Tombe pas à la baille ! », ajoute Pépé la cigarette collée au coin des lèvres. Je le rassure : « T’inquiètes, je vais faire des moulins dans la rigole ! » Je récupère un couteau émoussé et un bouchon dans le tiroir du buffet que je range au fond de la poche ventrale.

Je m’élance sur le chemin qui serpente dans le bocage détrempé. La pierre affleure, gneiss gris, sinistre et solide. De chaque côté dans les fossés, l’eau courre, dévale la pente. Le bétail meugle dans la campagne. L’averse « tam-tame » sur ma capuche. Mes semelles roulent sur les cailloux polis. Enfin, j’aperçois la mare et son reflet terne. Floc, floc ! Sa surface est décorée de millier de ronds concentriques qui viennent mourir au bord de l’eau, cachés sous les joncs fanés. Le vent miaule et joue avec les fuseaux des roseaux qui se balancent de joie.

Le trop-plein se déverse le long du sentier dénudé agrémenté de menthe odorante. L’endroit est parfait. Je m’accroupis les genoux dans le cresson sauvage. Je sors de ma poche l’ancien canif de Pépé, coupe des brindilles de saule. Je les plante dans le liège du bouchon. « Et voilà, un moulin ! » Quelques galets récoltés par-ci par-là. J’équilibre ma roue à aubes. Une pichenette ; « tourne, tourne joli moulin. »

Je m’attelle aussi à confectionner un mini radeau, dont la voile sera une feuille de plantain. Un bonhomme en brindille incarne un vaillant marin. La nef entraînée par le courant se dirige vers la rivière. Malmenée par les tourbillons, elle bute contre des pierres, s’échoue. « Allez avance ! » Je l’écarte et l’accompagne jusqu’à embouchure du ruisseau. Je la regarde s’éloigner. Je prie le ciel pour que l’embarcation gagne le fleuve, puis l’océan. « Bon voyage ! »

Je remonte le chemin et observe une mini cascade. Un barrage ! Aussi sec, j’investis le bas-côté. Je dresse un muret de galets. La retenue glougloute. Puis, plus loin, un deuxième et encore un autre. Et de l’autre côté, je continue. Sous la voûte des frênes dégarnis qui s’égouttent, une dizaine de cascades chantent, une chorale s’improvise sur un parterre de pierres. C’est une symphonie qui accompagne la pluie.

Les doigts engourdis par le froid, la goutte au nez, je décide d’abandonner mon chantier, plutôt satisfait.

La semaine suivante, en arrivant chez mes grands-parents, l’appel des jeux d’eau m’enivre. C’est alors que Mémé me dispute. « Qu’est-ce qui t’as pris de détourner l’eau sur le chemin. Il était tellement glissant que les vaches pouvaient plus remonter des prés ! »

Photo entête :  mare de nos jours où je jouais enfant. Rien n’a changé.

K-way vintage
K-way des années 70’s
Moulin à eau - enfant - rivière
Moulin à eau – enfant – rivière

52 réflexions sur « Moulin à eau et petit radeau. »

  1. Très joli souvenir d’enfance!
    On sent presque les gouttes, on glisse sur les bords mouillés de la rivière… On est enfant!
    Merci pour cette agréable sensation!
    Bonne soirée!

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  2. Dire que je n’ai jamais construit de moulin à eau (soupire)… Ça me donne envie d’essayer 🙂 En revanche, j’ai construit des petits barrages en cailloux… ça compense.
    Merci pour ce voyage dans ta mémoire.

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  3. Une bien jolie anecdote. Ça m’a rappelé lorsque mon père nous fabriquait à l’aide de son couteau suisse des petits bateaux avec des écorces de bois. Ensuite, nos petites embarcations flottaient dans la rivière.. J’adorais les regarder voguer… Merci pour ce partage

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  4. C’est toujours un immense plaisir de te lire. Quel talent pour nous faire vivre tes souvenirs. C’est tellement imagé, bien écrit, raconté avec une passion juvénile qui ne semble pas t’avoir quitté. Et c’est tant mieux. Merci l’ami, même si tu m’as foutu les larmes aux yeux. Larmes de bonheur bien entendu!

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  5. Bonsoir, j’adore ce récit d’enfance, je sentais l’odeur du pot au feu, je voyais le gamin partir avec ses trésors dans sa poche et le fameux k-Way. Merci pour le beau partage de ses souvenirs. Bonne soirée Amitiés MTH

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  6. C’est tellement bien écrit que je me revois dans les bois de mon enfance, pas de mare mais une rivière qu’il fallait traverser sur des pierres glissantes pour aller chercher des pommes que nous mangions encore vertes. L’impatience nous empêchait d’attendre qu’elles soient mures.
    Tu te prenais pour un castor, tu faisais des barrages, pauvres vaches.
    Bonne journée.

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  7. coucou c’est magique la pluie, la mare, la rivière quand on est petit … et même grand j’adore me promener en montagne vers le long de lacs, cascades, torrents … mais maintenant je préfère le soleil à la pluie … merci pour le retour en enfance ça fait du bien !!

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  8. bonjour !
    tout est bien décrit, même le tamtam de la pluie, on s’y croirait , et le pot au feu sent encore tjrs aussi bon ,
    plus au coin du feu, mais sur la plaque …
    et les kw étaent bien pratiques !
    je jouais moi aussi chez mes grands parents, il n’y avait pas de mare mais une balançoire , mon bonheur, des billes en terre, les fruits à ramasser dans le verger etc…
    que de bons souvenirs ! il est vrai qu’il nous en fallait peu pour être heureux !
    quelle chance nous avions !

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      1. et parfois trop pressés, nous mordions dans des fruits encore trop verts … et le lendemain aie aie aie …
        ah les terrains en friche …
        tu réveilles en nous des souvenirs anciens, et en même temps nous sourions !
        mieux que chez le psy !

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  9. C’est toute une époque qui ressurgit avec cet épisode du moulin, moi c’est plus des souvenirs des plages du Nord de la France qui sont enfouis dans ma petite tête, ceux des barrages à marée descendante pour retenir l’eau qui voulait rejoindre la mer et filer vers la Grande Bretagne. Et ce fameux Kway si difficile a retirer après avoir bien transpirer 🙂
    A pluche.

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  10. Le ruisseau;le pot au feu de ma grand mère.Je retrouve dans ce billet mes souvenirs d’enfance
    Merci d m’avoir ramenée des années en arrière et quand j’écris « annéesouffffffffffffffffffffffffffff quelques unes oui
    Amicalement
    Dany

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  11. c’est si joli les clapottis de la pluie sur la mare qui devient tout un monde !
    au fait avais tu une cagoule aussi en acrylique et un sous pull à col roulé ?
    En tous les cas ton texte est tout beau,
    j’ai fait un poême qui te plairait enfin sans prétention, et qui se nomme la marelle, ou je me souviens aussi du temps de l’enfance

    cordialement
    julie

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    1. Merci Julie. Effectivement j’ai eu un sous-pull acrylique à col roulé rouge brique, des faux jeans trop longs et des clarks. Par contre je n’est pas trouvé ton poème. Si tu veux bien me donner le lien, en réponse ce serait avec plaisir !
      Cordialement.
      Christophe.

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      1. Oui voici mon ti poême de souvenirs d’enfance, mais je te demande de le lire en écoutant cette video, afin que cela soit plus dans l’atmosphère. en fait j’ai fait un coin secret dans mon blog, il suffit de le trouver,
        bon alors voici la video, tu clik dessus et de tes yeux je te laisse regarder, écouter et imaginer !

        UN , DEUX, TROIS

        un deux trois
        je jette le petit caillou

        un deux trois
        et j’avance d’une case

        cinq six
        et je saute d’un pied

        sept !

        oh !

        huit neuf !

        et hop

        me voici au paradis !!!!!!

        la marelle !

        elle me rappelle

        mes couettes ! lol

        et puis oui, papiers de couleurs transparents

        qui enveloppaient mes bonbons acidulés

        alors quand yavait du soleil

        je regardai dedans

        et tout changeait de couleurs

        c’etait beau !

        et je roulait dans l’herbe

        comme une petite boule

        et je descendai la cote

        avec les paquerettes sur ma tete

        et essoufflée je m’arretai

        a genoux

        regardant en face de moi

        du haut de cet endroit

        toute la vallée, et les petits toits

        comme des maisons de poupée

        ca sentait bon !

        et les papillons comme des baisers sur les pétales , les joues des fleurs !

        et les coccinelles aux points de beauté

        que je comptais pour connaitre leur age !

        et l’abeille qui me faisait peur avec ses bzzzzzzzzzzz

        et puis la colonie de fourmi, dans tous les sens qui allaient au travail

        et dans le ciel,

        en ribambelle, les oiseaux …..

        et le soleil

        tenue par un fil invisible

        c’est ce que je croyais

        et puis ,

        mes amis à coquilles,

        le hérisson piquant que je laisse dormir sous le matelas defeuilles,

        et mes reves dans mon coffre coeur !

        mon coeur qui bat

        comme un tambourin

        à la musique

        de la vie

        un deux trois

        la riviere comme un ruban bleu

        et les péniches

        coucou !

        d’un signe de main ! la silhouette me rendait le bonjour

        et tout etait si joyeux !

        marelle de craie,

        sur la cour de l’ecole

        a travers le grillage

        je te vois, …..

        et me voila
        mon pain au chocolat
        mes caramels
        le baton de zan
        et mon sparadrap a mon genoux
        d’avoir tombé sur un GROS caillou !

        tiens le chien !
        mon ptit chien !
        je lui lancai la balle si loin
        et je riai , ces oreilles au vent
        revenir vers moi,

        mon copain le chien
        mon ami

        et l’avion et sa trace blanche dans le bleu de la haut

        et tout ca, et tout ca

        turlututu chapeau pointu !

        Et tout ca et et tout ca dans le baluchon de ma mémoire

        baisers envoyés ce jour
        à tous les enfants
        que nous étions,
        et encore maintenant !

        JULIE
        2010

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