Plage - vintage - 1970

Une journée à la plage

Il fait chaud, je remplis mon thermos.

Ça me revient…

Mon père s’écrie : « on va à la plage ! » Branle-bas de combat, préparation du matériel : une pelle en fer avec un manche en bois, un seau arc-en-ciel en plastique, une magnifique bouée rouge décorée de canetons. Ma mère remplit le thermos de menthe à l’eau. Elle emballe dans du papier alu les sandwichs au jambon qu’elle range au fond de la glacière. « Maman, t’as mis les chips ? » Elle sourit, c’est oui. Un melon odorant s’invite aussi.

Le moteur vrombit. Mes cheveux glissent dans le vent, la vitre ouverte. L’auto file le long des haies de tamaris. Une heure plus tard, la Simca se gare sous une pinède encombrée. Un enchevêtrement de voitures abandonnées s’empoussière, les estivants processionnaires noircissent les sentiers. Je descends de la 1300. Le torse nu mais fier ceint de ma bouée gonflée, je déambule les méduses aux pieds, le rouge aux joues. Je me dandine le bec en l’air superbe, une fière allure de caneton aux ailerons écarquillés. Je rejoins mon père qui déjà chemine vers la plage. Le transistor, plaqué à son oreille, hurle les commentaires des journalistes du tour de France. Une échappée de haute montagne, Merckx et Poulidor sont aux coudes à coudes. Papa y croit encore : « vas-y Poupou ! » À travers mes sandales en plastiques, les aiguilles se faufilent et me piquent. Tant pis, je les quitte. Maman crie : « dépêche-toi ! » « Ouille, Ouille, Ouille ! » Ça pique quand même ! 

Enfin l’océan, il scintille, une enfilade de paillettes d’argent picote l’eau. L’azur est pur et sans limites, on y distinguerait presque les étoiles. C’est beau.

Le sable est fin, les pieds y laissent des traces brûlantes, je suis aux anges.

Je hurle le doigt tendu : « on se met ici ! » Je désigne un carré encore vierge de toute civilisation parmi la foule. Maman nappe le sable avec nos serviettes, Papa déploie le parasol comme un étendard et marque notre territoire. Elle me tartine d’huile comme un steak prêt à griller.

Des silhouettes par centaines vont et viennent dans l’eau, accompagnées du chahut des enfants. Un drapeau au loin signale le club Mickey, les petits apprennent à nager. Je dresse les tours de mon château. Du sable vole et colle sur l’ambre solaire, mes parents tempêtent, ma pelle s’arrête.

Midi, on grignote à l’ombre du parasol rouge et blanc estampillé Martini qu’un ami cafetier nous a prêté. Les chips croustillent, le sable aussi. Je me hâte pour retourner à l’eau, au diable l’hydrocution. Les vagues bercent la bouée, je lève les yeux au ciel, un monoplan tire dans l’azur une pancarte publicitaire : « venez visiter le zoo ! » Mais oui ! Je me précipite vers mes parents, tout excité. En un instant, au bout du fil de nylon, haut dans les airs, les ailes rouges de mon avion jaune tournicotent avec un joyeux froufrou.

À l’ombre du parasol, Maman termine une manche de son tricot dans son bikini acidulé. Papa enrage, Poulidor reste deuxième. « Décidément, il ne sera pas maillot jaune. » Mon père décide donc de piquer une tête. Son corps d’athlète est rehaussé d’un slip de bain bleu électrique. Je m’étonne à peine de cette forme en couche-culotte, c’est la mode. Il garde ses lunettes de soleil, il barbote, il ressort. « Où sont mes lunettes ? » Il s’agite, il cherche, peste. On se mobilise. Un enfant jubile : « regardez, elles sont là ! » Mon père pavoise : « faut que je joue au tiercé, j’ai de la chance ! »

Le soleil décline et tutoie l’horizon. Papa plie le parasol, je dégonfle ma bouée. La famille regagne la voiture surchauffée. Je détaille dans le rétroviseur mon visage. Le nez est rouge, des taches de rousseurs décorent mes joues, des bouclettes pleines de sel frangent mon front. Mon père tourne le contact, il ronchonne ; les verres de ses lunettes sont rayés. Fatigué, la serviette en oreiller, je m’endors sur la route du retour embouteillée.

C’était drôlement bien la plage !

Plage - vagues - 1970
Attention aux vagues – plage – 1970
Cerf-volant avion vintage
Cerf-volant vintage en forme d’avion, les ailes tournent.
Plage - Location de Bateaux - 1970
Plage – Location de Bateaux – 1970
Thermos Jaune - Vintage
Thermos Jaune pour la menthe à l’eau – Vintage
Plage - club Mickey - 1970
Plage – club Mickey – 1970
Lunettes de soleil - vintage
Lunettes de soleil de mon père ( d’époque) toujours en service fonctionnent encore !

77 réflexions sur « Une journée à la plage »

      1. hélas ! je pense que maman ne s’est pas encombrée de cette petite carte lorsqu’elle a déménagé, vu qu’elle n’a pas emporté le meuble dans lequel elle était….. je crois que j’étais dans les 100 premiers à être abonnée en France !!!

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  1. nous sommes nombreux à avoir de bons souvenirs de plage avec nos parents,
    par contre, mon père préférait voir les coureurs dans l’effort,
    et donc nous partions, en famille, dans les Vosges, avec matériel pour picniquer, glacière qui déborde, casquettes, et lunettes de soleil…. photos en noir et blanc à l’appui.
    bonne semaine ! et jolie fin de l’été !

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  2. Je m’y retrouve complétement ou presque dans cette journée à la plage mais mon père en moins car ça faisait longtemps qu’il avait fait sa valise et était parti.
    C’est superbement écrit,
    bonne journée.

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  3. Wow ! Je m’y revois, sauf qu’on remplace la Simca 1300 par une Renault 16 ; Merckx/Poulidor par Hinault/Zoetemelk ; la menthe à l’eau par du Tang… Et on situe la scène à Sanary, dans le Var.
    Avec un bon sachet de Treets et un bon bol de Benco pour le goûter !

    Une fois encore, merci pour cette photographie-tendresse (Polaroid bien sûr) de nos jeunes années, Christophe, c’est un réel grand plaisir à chaque nouvel article.

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  4. Quel bain de jouvence! Merci pour ces souvenirs si joliment écrits.
    J’ai presque l’impression que vous racontez mes vacances. J’étais seule avec maman qui avait une Fiat 500. C ‘était en 1970, chez mes grands-parents . Aujourd’hui, j’ai moi aussi une Fiat 500; hasard?…

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      1. Tout à fait. Je pense qu’il était aussi vintage pour mes grands-parents. Sans doute un de ces objets auxquels on s’attache parce qu’ils sont vecteur de souvenirs. J’adore ! Il était caché au fond de ma mémoire et il en est ressorti avec un paquet d’autres… en vous lisant 🙂

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  5. c’était exactement pareil sur la plage de Westende, sauf qu’on n’y pique-niquait pas… ma mère avait son tricot, mon père sa lecture, il se mouillait juste les doigts de pieds 😉 et mon frère et moi construisions un château fort 🙂
    on rentrait les cheveux raides de sel et longtemps après encore, du sable sortait de partout, une poche, un mouchoir, un coquillage…

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  6. J’ai un peu les mêmes souvenirs qu’Adrienne, en Belgique, c’était à Ostende, et pas très souvent durant l’enfance par manque de moyens. Plus tard, adolescente, ce sont les plages en Zélande aux Pays-Bas, où j’ai adoré me rendre dans la famille, année après année.
    Des souvenirs bien différents. Je pense avoir fait des châteaux fort, c’était ce qu’il me semble le plus amusant. La bronzette, brrrk, je devais pourtant accompagner les parents, ma grande demi-soeur de dix ans mon aînée. Le pic-nic, nous avions tout ce qu’il fallait. J’ai hélas oublié les détails. Sauf les tartines à la Néerlandaise délicieuses comme tout. L’air est encore plus iodé qu’ici dans le S.O, à Arcachon où je vais parfois, ou alors à la Mer du Nord excellente pour les poumons lorsque nous étions jeunes enfants. L’eau était trop froide pour s’y baigner et je la détestais. J’ai eu un jokari, un ballon de plage en plastique. Et aussi un cerf-volant, que j’ai adoré utiliser.
    Merci pour ces belles photos. Comment avez-vous fait pour qu’elles soient encore aussi belles ? J’ai tant de photos argentiques impossibles à reproduire de cette manière, de mes nombreux voyages en France. Merci pour une éventuelle réponse. 🙂

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  7. Quelle enchantement, cette collection de souvenirs, tu as l’art de les récolter et d’en faire un album dans lequel on reconnait non seulement les images, mais aussi les bruits et les odeurs. Merci pour tous ces partages Christophe !

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  8. On s’y croirait vraiment tant c’est bien écrit… Ça devait être une formidable époque ! Moi je me souviens des fameux freesbi… (enfin, je ne sais plus trop comment ça s’écrit) c’était cool aussi !
    Merci pour ce joli partage que j’ai pris plaisir à lire.

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  9. Je suis ravie d’avoir découvert ce blog, moi qui suis si nostalgique de mon enfance, que je revis à travers tes posts…

    Merci beaucoup pour ce retour dans le passé !

    PS : ma bouée à moi couinait et était ornée d’une tête de chien… ^^

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  10. Je rigole ! L’an dernier ou l’année d’avant, je ne me souviens plus…Mon mari entre dans l’eau avec les lunettes de soleil sur le nez. Ni lui ni moi n’y prêtons attention, mais si moi, je m’applique à nager 😀 en gardant la tête hors de l’eau, lui aime bien disparaître dans l’onde tiède de ce coin de Méditerranée. Il ressort de la vaguelette qui a failli me décoiffer et se rend compte de son étourderie. Et le voilà qui plonge et replonge croyant retrouver « las gafas ». Trop tard, une des sirènes catalanes les lui a dérobées.

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  11. ça me revient: le club Mickey
    à dix ans, on est con. Certes, on l’est encore ensuite, mais disons qu’à cet âge, on atteint un summum
    Moi, en tous cas, c’était mon apogée connifique.
    Refoulés du club Mickey par un animateur un peu sectaire, on se rabat sur la cour de la maison de famille pour rejouer la souris.
    « Toi t’es Minnie, moi je suis Mickey », dis-je à ma sœur, convaincu que mon droit d’ainesse m’autorise cet excès autoritaire. Mais elle n’est pas d’accord, ça dégénère.
    Sans doute, pour lui montrer qu’elle est trop petite, je l’attrape par le cou et la soulève du sol
    « Craaac! », fait sa vertèbre.
    « Ouille! », répond ma sœur en écho
    Passons là, les pleurs de la gamine, les cris de la famille, l’air horrifié du toubib, on les aura deviné.
    Reste qu’on se retrouve à l’hôpital de Caen, aux urgences, en pleine soirée d’un 14 juillet.
    Et tous les grands brûlés qui débarquent parce qu’ils se sont trop approché des fusées.
    On va pas se coucher tôt, c’est moi qui vous le dit !

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  12. Je suis parti à la recherche des « libellules » de mon enfance (en fait vendues sous le nom de « Turboplan 32 ») histoire de voir si elles se fabriquaient encore, et je suis tombé par hasard sur cette page. Votre récit m’a transporté 30 ans en arrière sur cette plage de Normandie que j’affectionne tant. Merci pour ces beaux souvenirs.

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